03 septembre 2006

Tatie Véga : LE panégyrique

Permettez-moi de vous présenter ma Tatie Chérie, la soeur de mon père ! Vous en avez entendu parler depuis longtemps, mais rien ne vaut un petit séjour commun pour se rendre vraiment compte de son étonnante personnalité. J'avais entendu dire qu'elle avait beaucoup gagné en mâturité ces derniers mois… et bien croyez-moi… c'est pas peu de le dire !
Ma Tatie impeccable est très soucieuse de son apparence. Vous verrez qu'elle est toujours tirée à quatre épingles (ce qui vous permettra aisément de la reconnaître) et, à son air si jeune, je la soupçonne même de s'être récemment fait tirer la peau (et les poils, à l'exception son petit épi sur le museau).

Comme beaucoup de femmes d'expérience, elle a compris que " le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt " ! Réveil naturel aux aboiements de Setter, vers 5h30 (4h30, en France). Inutile de dire que j'ai eu un peu de mal… mais l'avantage de la jeunesse étant l'adaptation, et ce n'est pas sans fierté que je suis arrivée à être plus alerte que ma Tatie impétueuse !

Le petit-déjeuner avalé, elle part aussitôt arpenter les vieilles pierres "à la fraîche" ! Aucun site ne lui résiste… Ma Tatie intarissable recrée tous les temples, bâtiments administratifs, hôtelleries, statues… à partir d'un seul tesson ! Elle déploie les siècles d'histoire d'après les matériaux, lit couramment toutes sortes d'inscriptions à même la pierre… Cette expérience a été si passionnante que je n'ai pas vu le temps passer ! Résultat : on était toujours en quête de nouveaux petits cailloux… en plein cagnard, par 40° à l'ombre !

Là où sa 'manie' ("il faut appeler un chat un chat et un border un border", selon les formules épigraphiques consacrées) devient éprouvante, c'est quand, au mépris de tous les règlements archéologiques, Ma Tatie impénitente n'hésite pas à me faire ramener chez elle tous les objets insolites qu’elle découvre, comme " cette magnifique aiguille à tricoter, si bien conservée… une rareté ! " m'a-t-elle affirmé. J'avoue : je n'ai pas eu le coeur de lui résister.

Vient ensuite ce qui est le meilleur moment de sa journée : les papotages avec ses amies, à l'ombre des arbres sur la place du village. C'est le moment d'échanger des nouvelles sur la famille que ma Tatie indulgente écoute avec quelque condescendance. il faut bien le dire. Mais lorsque vient son tour d'étaler ses dernières découvertes, son oeil pétille, son verbe s'accélère, son maintien se rehausse… et elle en vient à faire baver tout le monde d'envie - moi comprise !

Vous vous en doutez peut-être : ma Tatie impossible a un fort caractère… Elle est toujours persuadée d'avoir raison - même contre l'avis général -, elle remet vertement à sa place les jeunes ignorants assez audacieux pour 'humoriser' à ses dépens, et elle ne sent pas ses limites. Rien à faire pour lui faire comprendre la nécessité d'un petit somme ! Aussi quand vient l'heure de la sieste, il faut parfois déployer des trésors de douce persuasion pour l'amener à se coucher.

Requinquée à l'insu de son plein gré, ma Tatie infatigable, toujours soucieuse de sa forme, m'entraîne à la plage, vers un nouveau défi : la traversée du golfe d'Argolide (" par le fond du golfe, restons raisonnables ! "). Inutile de dire qu'elle n'a pas voulu prendre les indispensables précautions de se mouiller le poitrail et le haut du crâne avant de s'élancer, tête haute, dans l'eau. " C'est seulement quand on n'est pas habitué ! ", m'a-t-elle lancé, 'lapidaire'…
Le but fixé me semblant quelque peu ambitieux, je l'ai laissée passer devant pour pouvoir la ramener en cas de défaillance. Je ne cache pas que j'ai été très soulagée que deux envoyées de Poséïdon lui barrent le chemin, et invitent fermement ma Tatie imprudente à faire demi-tour.
Bien sûr, elle n'a pas osé tenir tête à ces émissaires quasi divines, et elle s’est exécutée tant bien que mal … non sans cesser de maugréer. Cette rebuffade du dieu de la mer a atteint ma Tatie insubmersible au plus profond de sa fierté de nageuse confirmée !
En femme qui se respecte, elle n'a pas voulu se laisser insulter sans réagir. Aussi, ma Tatie implacable a concocté une missive bien sentie de cinquante et une lignes à Poséïdon et on y a inclu force grimaces ! J'admire sa manière de remettre en cause le statut de la divinité, les privilèges de l’ancienneté… au péril de son accès au bord de mer et aux clubs d'aquagym marine !

De retour à la maison, on passe aux choses sérieuses : c’est l’heure du Yoga. Ma Tatie impassible m’initie aux étirements, à l’intériorisation, à la méditation et au repos de l’esprit. J’avoue ne pas avoir brillé… du haut de notre muret d’isolement, je me suis laissée séduire par les pitreries de Vizir et les bonnes odeurs qui passaient à proximité… Non, décidément, je ne suis pas une Border zen !
Je connaissais ma Tatie femme du monde, mais j'ai aussi découvert une Tatie intime : celle des confidences ! Elle connaît tous les recoins de sa maison où l'on a l'impression d'être seule au monde et de pouvoir parler, à loisirs, de nos maîtresses… et de leurs 'menus' défauts humains. Au risque de déplaire, je n'irai pas plus loin ! Sans blague… vous savez ce que "confidence" veut dire ???
Vous vous en êtes rendu compte : ma Tatie imprévisible a mûri… un peu beaucoup, surtout quand elle perd le sens des proportions. Je ne sais pas quel 'sknipès' l'a piquée, mais le soir venu, elle m'a prise pour un bébé ! Elle m'a généreusement prêté son panier de chiot alors qu'elle se contentait modestement du royal coussin de Vizir, elle m'a raconté une histoire, elle a vérifié mon haleine… et elle s'est endormie aussitôt. J'en suis restée toute ahurie !
Au fil des jours, notre complicité a grandi et j'ai appris à apprécier de plus en plus ma Tatie incroyable ! Nous avons tout tenté pour convaincre nos maîtresses de ne pas nous séparer. Làs ! Vous connaissez la cruauté de cette engeance…

Aussi, un jour, s'il devait vous sembler que je médis sur ma Tatie Chérie, dites-vous que c'est plutôt … de la pudeur !


Aïkie, philosopher